MICHEL SARDABY HOMMAGE à notre parrain
Michel Sardaby le pianiste de jazz martiniquais, parrain et membre fondateur du festival Jazz Equinoxe de Bastia est décédé mercredi 6 décembre, il avait 88 ans.
Cet ilien avait cette passion de la musique et du jazz en particulier avec qui nous avons eu un réel plaisir de partage, et d’échange après une première rencontre à Paris.
1st Meeting
Nous avons découvert Michel Sardaby à l’occasion d’une journée de travail pour la magazine Jazz Hot. Au cours de cet échange, le courant passe plus que bien et très vite il est décidé d’une rencontre pour concrétiser un désir commun de vibrer pour cette passion commune qu’est le jazz en créant le Festival Jazz Equinoxe. En 2000, le Michel Sardaby Trio se produit pour la première de la manifestation dans la salle du théâtre de Furiani. Il est accompagné de Gilles Naturel (b) et Philippe Soirat (dm).
Dans la foulée, Il est invité en tant qu’intervenant par Emile Mary (proviseur du LP Jean Nicoli de Bastia) avec la mission de dispenser un cours sur le rythme. Le succès est tel, que tous les élèves de l’établissement souhaitent rencontrer « Le Philosophe ». La passion réciproque entre Daby et la Corse est alors en marche. L’année d’après il revient pour la clôture de la deuxième édition avec ses amis New Yorkais : le Michel Sardaby New York Reunion. Pendant les trois éditions suivantes, il reste le parrain, mais ne se produit plus dans le cadre du festival. C’est tout de même lui qui conseille la tromboniste Sarah Morrow afin qu’elle se produise pour la 3e édition. En 2004, c’est sa complicité avec Monty Alexander qui permet à la manifestation d’assurer pour la toute première fois la venue en Corse du pianiste jamaïcain.
En 2005, Michel Sardaby, tout comme le magazine Jazz Hot, fête ses 70 ans. En partenariat avec Yves Sportis, directeur de la publication, Jazz Equinoxe monte une tournée de plusieurs dates avec une formation haut de gamme qui comprend Reggie Johnson (b) et John Betsch (dm). De cette tournée, il en sort un double album Night in Paris Live. Au cours de cette même édition Michel partage la scène avec le guitariste américain Mark Whitfield, pour un moment d’anthologie comme la musique sait les créer. Notre parrain es tencore à l’affiche en 2008, où il invite sur scène le saxophoniste Eric Alexander. En 2010, il signe sa dernière apparition au festival et se produit en solo en première partie de Christian Escoudé.
Michel a participé pendant plus de 10 ans à la vie du festival avant d’être victime d’une premier accident cérébral puis d’un second qui le tiendront éloigner de la scène jazz en général et de la Corse en particulier. Avec Gérard, le vice président du festival nous avons gardé le contact le plus longtemps possible, avec quelques passages chez lui dans son bel appartement du 18e où il aimait se mettre au clavier le soir, pour nous raconter sa vie en jazz. Une dernière visite en 2019, puis en octobre 2023, quand nous l’appelons pour lui annoncer notre venue, il est hospitalisé. Nous lui proposons quand même de passer le voir et sa réponse est négative Sentait il déjà que la fin était là.? Sa voix était tremblante il voulait peut être que nous gardions de lui un souvenir plus beau… Il reste ce souvenir qui résume à lui seul la façon d’être de Michel Sardaby.
Sa carrière plus à l’international qu’hexagonale
Michel débute le piano très tôt, initié par Bernard, son père. L’instrument trône au milieu de la brasserie de son papa et le jeune Michel ne perd jamais une occasion pour poser ses doigts sur le clavier ébène et ivoire. En 1954, il rejoint l’école d’arts appliqué et architecture d’intérieur, la fameuse école Boulle de Paris. Parallèlement à ses études, il poursuit sa carrière de musicien et se produit en club avec des artistes incontournables de la scène jazz de l’époque présents à Paris : Dexter Gordon, Don Byas, Kenny Clarke, Sonny Boy Williamson III, mais surtout T Bone Walker avec qui il enregistre Good Feeling.
C’est en 1965, que Michel Sardaby avec PhiPhi Combelle et Bibi Rovere, sort Blue Sunset. Un premier disque produit par Henri Debs, un autre antillais. Deux ans plus loin, avec d’autres musiciens de jazz, il enregistre pendant 90 minutes une pièce connue sous le nom de Tape for Billy dédié à Billy Strayhorn qui était à l’hôpital. Cet enregistrement a été supervisé par Duke Ellington lui-même qui était à Paris à cette époque et qui voulait créer une bourse au nom de Billy Strayhorn à Paris comme pour Juilliard à New York (www.radioswissjazz.ch).
Sur cet épisode, Michel nous racontait qu’il devait aussi jouer avec le Duke, mais que la vie en avait décidé autrement. En 1970, il enregistre Night Cap, avec Percie Heath (b) et Connie Kay (dm), puis il enchaine In New York avec Billy Cobham (dm), Ray Barreto (perce) et Richard Davis (b) et le titre « Martinica », ode à son île natale, un pur joyau.
Pour Gail Michel Sardaby est au Fender Rhodes, une sonorité qu’il n’a pas toujours appréciée mais qui à cette époque s’imposait. Concernant cet opus, il mérite vraiment un détour accompagné qu’il est par Richard Davis (b), Billy Hart (dm) et Leopoldo F. Fleming (perc), un album qui conserve une sonorité très actuelle. Gail, tout comme Carribean Duet avec Monty Alexander (p) a reçu le prix Boris Vian.
Dans sa discographie, on trouve aussi un autre album en duo avec le contrebassiste Ron Carter (Voyage). Son chemin va se poursuivre avec Horakazu Sasabe, son producteur japonais de SoundHills, jusqu’en (2004). Pour lui, ce dernier a permis que sa carrière prenne un beau virage à l’international, mêmes si sur la fin de sa collaboration les rapports n’étaient plus les mêmes. Ainsi avant de le quitter, il signe un Karen et conclue collaboration avec Tribute to my Father, enregistré aux Ducs des Lombards en compagnie de ses potes de toujours Ray Drummond (b) et Winnard Harper (dm). Comme l’indique le titre, le Martiniquais rend hommage à son père avec « Sardaby », mais aussi Thelonious Monk (« Evidence »).
En 2005, comme dit plus haut, il fête ses 70 ans, ainsi que ceux du magazine Jazz Hot (plus vieille revue de jazz au monde). Au cours de la tournée qui passe par Paris, il se produit avec Reggie Johnson (b) et John Betsch (dm) à l’Archipel où Arnaud Boubet, l’un des responsables de Paris Jazz Corner utilise le matériau des soirée pour produire un double album Night in Paris Live. C’est en 2011, que parait The Art of Michel Sardaby, un album né du désir de ses enfants, et notamment sa fille Patricia, de le voir revisiter ses compositions. Ce qu’il fait tout au long de cet album paru en CD et Vinyle et qui constitue une véritable pépite que peu de personnes ne possèdent.
Michel Sardaby mon ami
Quels enseignements nous a-t-il transmis au cours de sa belle carrière ? Musicien au touché sensible et délicat il prenait le temps pour poser ses idées, pour nous faire réfléchir et travailler. Fidèle aux valeurs de la tradition du jazz, il a joué avec les plus grands, aux States et au Japon. En France, il n’a pas eu la carrière qu’il aurait du avoir. Le peu de présence dans les médias y a surement été pour beaucoup, (même pas 50 lignes parlent de lui dans l’encyclopédie du jazz). Depuis 2000, nous avons vécu le peu d’intérêt que lui portait la scène nationale du jazz, hormis Yves Sportis et Jazz Hot et à un degré moindre Arnaud Boubet. Toute sa vie il a travaillé sur l’importance du rythme. De ses nombreux écrits il aurait voulu en extraire un livre. Il n’ y sera pas parvenu. Il laisse outre sa solide discographie, un souvenir impérissable en Corse tant à Bastia qu’à Ghisonaccia (eh oui) et surtout aux USA où le Conseil International de la musique (International Music Council) et l’université de Pittsburgh lui ont remis un prix pour l’ensemble de sa carrière (Outstanding Lifetime Achievement Award). Une reconnaissance qui illustre parfaitement son apport au jazz, à l’international, en France et singulièrement à Bastia.
Discographie
1965 : Blue Sunset (Disques Debs),
1970 : Five Cat`s Blues (Mantra)
1970 : Night Cap (Sound Hills)
1972 : In New York (Disques Debs)
1975 : Gail (Disques Debs)
1984 : Voyage avec Ron Carter (Sound Hills)
1985 : Caribbean Duet avec Monty Alexander (Sound Hills)
1989 : Going Places (Mantra)
1990 : Night Blossom (DIW Records)
1993 : Straight On (Sound Hills)
1997 : Intense Moment (Sound Hills)
1997 : Classic and Ballads (Sound Hills)
2003 : Karen (Sound Hills)